Les vins de Bourgogne, de la Royauté à la Révolution : changement de régime

Aux 17ème et 18ème siècles, les vins de Bourgogne rayonnent dans tous les domaines. Sous le règne de Louis XIV, les médecins reconnaissent leurs vertus sanitaires. Au siècle des Lumières, ces vins confirment leur succès et apparaissent dans la littérature. A la fin du 18ème siècle, la Révolution française entraîne la chute de l’Ancien Régime et l’abolition des privilèges. La division des grands domaines, confisqués aux nobles et aux institutions religieuses, redéfinit le paysage viticole de Bourgogne.

Le saviez-vous ?

La Romanée est l’un des rares Clos bourguignons non démantelés en 1789

En 1760, Louis-François de Bourbon, prince de Conti (1717-1776), acquiert La Romanée, l’un des Clos de l’abbaye de Saint-Vivant à Vosne.
Durant la Révolution, la famille Conti est déchue de ses biens. Toutefois, la Romanée est épargnée dans le partage des terres mis en œuvre par les révolutionnaires. Malgré le contexte historique, le domaine prend aussi le nom princier de « Romanée-Conti », qui demeure un symbole de prestige et d’excellence.

Le vin de Bourgogne à la Cour

Le vin de Bourgogne, prescrit au Roi Soleil, mis en Lumière(s)

Carte de Cassini : secteur de Dijon - © Droits réservés

Dans la littérature, le vin de Bourgogne est mis en lumière...

Au 17ème siècle, en Bourgogne, les communautés religieuses perdent de leur influence. Peu à peu, elles revendent des parcelles viticoles à la haute bourgeoisie et à la noblesse locales, dont l’intérêt pour le vin de Bourgogne va grandissant.

A la Cour de France, au début du 17ème siècle, c’est le vin de Champagne (alors vinifié comme en Bourgogne) qui rencontre le plus de succès.
Néanmoins, Fagon, médecin de Louis XIV, conseille au Roi le « vin vieux de Bourgogne » comme boisson de régime. Cette prescription, ou « Ordonnance de Fagon » (1693), a des effets bénéfiques sur la santé du souverain. Dès lors, la Cour adopte elle aussi le vin de Bourgogne. Ce goût se perpétue sous Louis XV et Louis XVI : toute l’aristocratie française se passionne pour les vins bourguignons.

A la même période, un certain Claude Brosse, vigneron dans le Mâconnais, se rend à Versailles avec des tonneaux de vin. Sorte de pionnier de la vente directe, il veut faire déguster sa production au Roi !
Parallèlement, c’est tout le commerce du vin de Bourgogne qui se redessine. Jusque-là, ce négoce reposait sur deux groupes d’acteurs :

  • les courtiers-gourmets, qui accueillaient et guidaient le client dans ses achats de vin
  • les commissionnaires, qui achetaient le vin pour le compte du client et le faisaient livrer chez lui

Au 18ème siècle, l’apparition des négociants-éleveurs modifie ces usages. Ces commerçants d’un genre nouveau achètent des vins aux vignerons, puis les font vieillir eux-mêmes dans leurs caves, avant de les revendre. Edme Champy, qui fonde sa maison en 1720, est le premier de ces négociants-éleveurs bourguignons.
Dynamiques et entreprenants, ces professionnels contribuent au rayonnement de la Bourgogne : leurs activités suscitent un grand intérêt pour les vins bourguignons, au-delà des frontières françaises.

En Angleterre, on apprécie les vins de Bourgogne. C’est d’ailleurs à Londres que paraît le premier livre dédié à ce sujet ! Ecrit par l’abbé Claude Arnoux en 1728, cet ouvrage d’un genre inédit décrit le vignoble en détail. Il explique aussi quels sont les meilleures cuvées de chaque village, déjà classés selon leur appellation et leur terroir de production.

Plus largement, durant le Siècle des Lumières, on cherche à comprendre l’excellence du vin de Bourgogne. Les scientifiques veulent déterminer si sa qualité provient des cépages de Bourgogne qui le constituent, du sol et du sous-sol, du climat local, ou encore du savoir-faire des vignerons.
Le vocabulaire de la dégustation se développe et s’enrichit. Les amateurs de vins de Bourgogne parlent de robe, d’arômes et de goût, employant des termes de plus en plus précis.
 

 

Fin 18ème, le triomphe des grands vins et la chute de l’Ancien Régime

Sceau sur une bouteille de vins de Bourgogne - © BIVB / armellephotographe.com

Au milieu du 18ème siècle, l’usage de la bouteille en verre se répand, offrant de meilleures conditions pour le transport du vin, auparavant vendu en fûts.
Cela permet aussi de prolonger l’élevage des vins bourguignons, qui développent ainsi des arômes plus corsés. Cette évolution transforme le goût des amateurs de vin de Bourgogne : les vins vieux prennent de la valeur et deviennent plus recherchés. En parallèle, le vin de consommation courante est très apprécié des gens du peuple, qui imitent souvent les habitudes de la bourgeoisie.

En 1787, la renommée des grands vins traverse l’océan Atlantique. Cette année-là, Thomas Jefferson, futur Président des Etats-Unis alors ambassadeur des États-Unis en France, visite le vignoble bourguignon. Il en donne la première description née d’une plume étrangère et dresse une hiérarchie des cuvées. Celle-ci demeure valable de nos jours. Sous son influence, la cave de la Maison Blanche s’ouvre à son tour aux vins de Bourgogne !

Deux ans plus tard, la Révolution française accélère l’évolution du vignoble bourguignon.
Avec la chute de l’Ancien Régime, les privilèges de l’Église et de la noblesse sont abolis. Les propriétés des institutions religieuses et des aristocrates sont en partie confisquées, puis démantelées et mises aux enchères comme « biens nationaux ». Les grands domaines sont découpés en lopins, rachetés surtout par la bourgeoisie bourguignonne et parisienne.

Cette redistribution des terres ouvre une nouvelle page de l’histoire du vignoble, perpétuant l’excellence et la notoriété des vins bourguignons.
 

 
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