Du 5ème au 15ème siècle : des vins cultivés par les moines et célébrés par les Ducs de Bourgogne

Au Moyen Âge, avec l’essor de la chrétienté, les moines professionnalisent et codifient le travail de la vigne. Progressivement, les vins de Bourgogne deviennent un atout politique et économique majeur. Instrument de pouvoir et de prestige, ils sont consommés à travers toute l’Europe sous le règne des puissants Ducs de Bourgogne, qui en font un cadeau de choix !

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La règle monastique de Saint Bernard, un cadre propice au travail de la vigne

Au 12ème siècle, l’abbé Bernard de Clairvaux impose aux Cisterciens des principes de vie stricts, qui font alterner effort et prière. Sous l’influence de cette règle, les moines accomplissent un travail phénoménal pour mettre en valeur leurs vignobles autant que leurs terres agricoles.
Appliquant de nouvelles techniques de vinification, ils notent méticuleusement les résultats de leurs expériences. Jusqu’à nos jours, cet héritage écrit contribue à la notoriété et à la préservation du Terroir de Bourgogne.

Pour aller plus loin

Les Hospices de Beaune et leur vignoble, joyau médiéval

L’Hôtel-Dieu de Beaune (ou « Hospices de Beaune ») est construit en 1443 par Nicolas Rolin, chancelier de Philippe le Bon. Dès son ouverture, cet hôpital dédié aux pauvres dispose d’un vignoble, qui lui assure des ressources propres.
Il s’agrandira au fil des siècles, suite à des donations en vignes ou en argent.
Aujourd’hui, lors de votre passage à Beaune, vous pouvez visiter ces superbes bâtiments de style gothique flamboyant. Merveilleusement préservés, ils abritent un musée d’une grande richesse.
Quant au vin issu du vignoble des Hospices, il est vendu aux enchères chaque année, le troisième dimanche de novembre, au profit de l’Hôpital de Beaune et du Musée des Hospices.

L'apport des moines et des Ducs de Bourgogne

Jusqu’à la Révolution française, le développement du vignoble par les moines

Statue d'un moine cistercien - © BIVB / Jean-Louis Bernuy

Au Moyen Âge, le christianisme est en plein essor dans toute la France. Le vin devient alors une boisson sacrée : symbolisant le sang du Christ, c’est un élément incontournable dans la célébration des rites chrétiens.

En ces temps où la religion occupe une place essentielle, évêques et moines jouent un rôle social grandissant. Les communautés religieuses de Bourgogne reçoivent des dons de la noblesse locale, souvent sous forme de terres. Elles établissent de vastes domaines, agrandis par l’achat de nouvelles parcelles. Les possessions les plus étendues appartiennent à deux communautés :

  • L’ordre cistercien

Fondé avec l’abbaye de Cîteaux (1098), il détient des terrains en Côte de Beaune et Côte de Nuits, mais aussi vers Chablis et Chalon-sur-Saône.

  • L’ordre clunisien

Créé avec l’abbaye de Cluny en 909, c’est un autre propriétaire important dans la Côte Chalonnaise et la région de Mâcon. Il possède également quelques vignes plus au nord, dont l’actuelle Romanée-Saint-Vivant.

Sur leurs terres, les moines produisent d’abord le vin nécessaire à la célébration de la messe. Peu à peu, par un travail assidu, ils font progresser la viticulture, la qualité et les rendements. Les communautés peuvent alors vendre une partie de leur vin. Au 15ème siècle, la qualité de leurs vins est reconnue dans toute l’Europe. Chaque abbaye, chaque monastère veille à perpétuer l’excellence de sa production, pour entretenir sa renommée.

Durant cet âge médiéval, souvent troublé par des conflits, les moines jouissent d’une certaine tranquillité. Ils développent ainsi un savoir-faire viticole unique, transmis et amélioré de génération en génération. Leurs méthodes rigoureuses s’intéressent à tous les aspects de la viticulture (taille de la vigne, comparaison et sélection des cépages, conservation du vin, etc.). Surtout, les religieux posent les bases de deux notions fondamentales pour l’identité du terroir bourguignon :

  • Les Climats

Ce sont des lopins de terre délimités précisément, selon la nature du sol et les conditions climatiques locales. Ces parcelles donnent des vins de caractères différents, soigneusement hiérarchisés par les moines, en fonction de leur qualité. Aujourd’hui, en Bourgogne, vous pouvez découvrir des milliers de Climats, dont certains sont mondialement connus.

  • Les Clos

Il s’agit de Climats entourés de murs, construits par les religieux pour protéger la vigne des animaux. Les Clos ont façonné les paysages de Bourgogne. Ils incarnent aussi la continuité de la tradition bourguignonne : entre le Moyen Âge et la Révolution, certains ont connu seulement un ou deux propriétaires !

 

Les Ducs, ambassadeurs historiques des vins de Bourgogne

Parcelle du vignoble de Bourgogne : le Clos des Perrières - © BIVB / Michel Joly

A partir du 14ème siècle, les Ducs de Bourgogne, propriétaires de nombreux vignobles, connaissent une grande prospérité économique et politique. Le vin devient alors un attribut de puissance et de richesse, symbole de goût et de raffinement.

Pour préserver cette réputation prestigieuse, les Ducs élaborent la première politique vitivinicole de l’Histoire. En 1395, Philippe le Hardi rédige une ordonnance qui fonde les principes d’un vignoble de qualité, soucieux de la santé du consommateur. Son édit fait connaître deux décisions importantes, concernant les variétés de vigne cultivées en Bourgogne :

  • L’interdiction du Gamay

Ce cépage généreux et résistant, à fort rendement donne, au Moyen Âge, un vin de consommation courante, abondamment produit par les petits vignerons. Appréciée du peuple, cette boisson est critiquée par les puissants. Ils craignent qu’elle ne compromette l’image qualitative des vins de Bourgogne, dont ils font la promotion. Cet « interdit » concerne les limites de la Bourgogne d’alors et ne concerne donc pas l’actuel Mâconnais.

  • La préconisation du Pinot Noir

Ce cépage présente un rendement plus faible et donne des vins plus complexes, exportés hors de Bourgogne. Philippe le Hardi en est particulièrement friand.

Fort de cette évolution, le vignoble gagne encore en qualité. Son rayonnement s’intensifie. Bientôt, le vin de Bourgogne est servi à la table du Roi de France et à celle du Pape, en Avignon.
Cette prestigieuse boisson représente un atout politique de choix, dont les Ducs savent tirer parti, à l’exemple de Philippe le Bon. En 1429, celui-ci crée à Bruges l’ordre nobiliaire de la Toison d’Or, pour contribuer à la diffusion du catholicisme. Le vin bourguignon devient alors la boisson privilégiée des chevaliers de l’Ordre. De même, ce vin d’élite coule à flots durant le Banquet du Faisan (1454), grand événement diplomatique, où s’illustre aussi Philippe le Bon.

De là, le vin de Bourgogne conquiert peu à peu toute la haute société européenne, de la noblesse à la bourgeoisie, ouvrant de formidables débouchés commerciaux.

Parallèlement, la viticulture ordinaire continue de se développer en Bourgogne, pour la consommation du peuple et de la petite bourgeoisie des villes.
Malgré l’édit de 1395, la culture du Gamay reprend peu à peu. Elle gardera une place de choix en Bourgogne jusqu’à l’instauration des Appellations d’Origine Contrôlée (AOC), en 1935. A cette date, la réorganisation du vignoble met en avant le Chardonnay et le Pinot Noir, qui représentent aujourd’hui plus de 80 % des vignes plantées en Bourgogne.

 
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